Le contentieux des activités déclarées en droit de la construction et des assurances a déjà fait l’objet de décisions de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation en 2019 et en 2020, notamment en ce qui concerne les procédés techniques employés pour l’exercice de l’activité déclarée (cf. de manière non exhaustive et s’agissant du procédé Harnois : Cass. Civ. 3ème, 30 Janvier 2019, pourvoi n°17-31.121 et Cass. Civ. 3ème, 16 janvier 2020, pourvoi n°18-22.108).

L’arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n° 19-13.568) est une nouvelle illustration de ce contentieux.

Dans cet arrêt, un particulier maître d’ouvrage avait confié la réalisation de travaux de pose de carrelage avec treillis soudé sur sa terrasse à une entreprise de carrelage.

Se plaignant de désordres liés à l’affaissement de sa terrasse, le maître d’ouvrage a reçu une proposition d’indemnisation de l’assureur du carreleur qui a refusé de prendre en charge les travaux de chape et de treillis soudé au motif qu’il s’agissait d’ouvrage de gros œuvre non inclus dans les activités déclarées par l’assuré.

Aux termes de l’attestation d’assurance décennale du carreleur, ce dernier avait déclaré au titre de ses activités professionnelles les « revêtements de murs et sols (extérieurs, intérieurs) en parements durs (carrelage, faïence, pierre, marbrerie, etc.) ».

Le maître d’ouvrage, estimant la proposition d’indemnisation insuffisante, a initié une procédure de « référé-expertise », au contradictoire de l’entreprise de carrelage et de son assureur, puis a sur le fondement du rapport d’expertise assigné au fond ces mêmes parties en paiement des travaux de reprise que l’assureur avait refusé d’inclure dans sa garantie.

Selon le rapport d’expertise, l’affaissement de surfaces entières de carrelage créant des zones de cassures et de déstabilisation était relevé, tandis que des carreaux se désolidarisaient du support, qu’il n’existait pas de treillis soudé et que le mortier mis en œuvre, très maigre et peu épais, se confondait dorénavant avec la terre.

En d’autres termes : il pouvait être considéré que l’origine, au moins partielle, des désordres constatés ne provenait pas seulement de la pose du carrelage au sens strict, mais aussi de malfaçons et défauts dans la réalisation d’un support totalement inadapté.

L’assureur contestait donc sa garantie, en relevant que l’activité déclarée était la pose du carrelage, sans intégration du support qui était un ouvrage de gros œuvre et qui n’avait pas fait l’objet d’une déclaration à part.

Les juges du fond ont fait sienne l’argumentation de l’assureur et ont rejeté la demande indemnitaire formulée à son encontre, au motif que les désordres affectant les travaux provenaient de la non-réalisation ou de la mauvaise réalisation d’ouvrages non inclus dans l’activité déclarée de « revêtements de sols » par l’assuré à son assureur.

Plus précisément, selon l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier le 18 décembre 2018, l’activité de revêtements de murs et sols garantie comprenait les travaux de pose, sur les parties intérieures ou extérieures des bâtiments ou sur d’autres ouvrages, et de revêtements muraux ou de carrelage ou d’autres revêtements de sols sans réalisation des ouvrages de support, de sorte que cette activité excluait la réalisation d’une chape de support et, a fortiori, d’un dallage béton armé de treillis soudé.

A l’origine du pourvoi, le particulier maître d’ouvrage critiquait l’arrêt rendu par la Cour d’appel en soutenant que « la garantie de l’assureur responsabilité décennale doit couvrir tous les désordres résultant d’une mauvaise exécution des activités professionnelles déclarées par le constructeur à l’assureur » et qu’en l’espèce, « les désordres étaient la conséquence de l’exercice, par la société de carrelage, de son activité déclarée de revêtement de sols extérieurs en carrelage ; que dès lors, pour considérer que la garantie n’était pas due, la cour d’appel, qui a énoncé que les désordres affectant les travaux proviennent de la non-réalisation ou de la mauvaise réalisation d’ouvrages non inclus dans l’activité déclarée de « revêtements de sols », n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles L 243-8 et A. 243-1 du code des assurances. »

L’origine des désordres était donc bien, selon l’auteur du pourvoi, à rechercher dans la pose du carrelage, sans réalisation d’un treillis soudé, cette pose étant non conforme aux règles élémentaires en l’absence de préparation de l’assise du terrain et en l’absence de véritable support.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel, au visa des articles L 243-8 et A. 243-1 du Code des assurances :

– En rappelant préalablement que « Selon le premier de ces textes, tout contrat d’assurance souscrit par une personne assujettie à l’obligation d’assurance est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types prévues par le second de ces textes.»

– Puis, en les termes suivants : « En statuant ainsi, en excluant la garantie de l’assureur, alors qu’il résultait de ses propres constatations que les désordres avaient pour origine non pas la réalisation du support, mais une pose du carrelage non conforme aux règles de l’art et sur un support inadapté, la cour d’appel a violé les textes susvisés.»

La 3ème chambre civile de la Cour de cassation adopte ainsi une vision extensive de la garantie de l’assureur en responsabilité civile décennale, favorable au maître de l’ouvrage.

Elle considère que l’assureur doit la garantie de la pose d’un carrelage non conforme aux règles de l’art et sur un support inadapté, en présence de dommages affectant le carrelage et nonobstant l’absence de déclaration par l’assuré de l’activité couvrant au sens strict les travaux relatifs audit support.

La solution se justifie sans doute par le fait que le support, à savoir la chape, est indispensable et nécessaire au carrelage posé, de sorte que les deux types de travaux sont étroitement liés et doivent faire l’objet d’un traitement identique.

La pose du carrelage faisant en l’espèce indiscutablement partie des activités déclarées, il était logique en ce sens que la chape, support indissociable du carrelage, soit incluse dans la garantie décennale de l’assureur.

Cet arrêt n’est pas publié au bulletin et il conviendra d’être attentif à la jurisprudence à venir de la Cour de cassation, à laquelle il appartiendra de confirmer ou non sa position.

Par Djinn QUEVREUX-ROBINE, Avocat counsel au sein du cabinet Martin&associés


Cass. Civ. 3ème, 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-13.568