Après la mise en redressement judiciaire d’une société civile immobilière (SCI), ses dirigeants, auxquels il est reproché d’avoir employé des moyens ruineux et de ne pas avoir tenu de comptabilité ou une comptabilité régulière, sont poursuivis pour banqueroute. Pouvaient-ils l’être alors que certains faits avaient été commis avant la date de cessation des paiements de la SCI fixée par le juge ayant ouvert la procédure collective ?

Oui, juge la Cour de cassation : si la cessation des paiements, constatée par le jugement d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, est une condition préalable nécessaire à l’exercice de poursuites pour banqueroute par emploi de moyens ruineux, tenue d’une comptabilité manifestement irrégulière ou absence de comptabilité, sa date est sans incidence sur la caractérisation de ces délits, qui peuvent être retenus indifféremment pour des faits commis antérieurement ou postérieurement à la cessation des paiements.

A noter : Le dirigeant d’une société en redressement ou en liquidation judiciaire (tout comme un entrepreneur individuel faisant l’objet d’une telle procédure) peut être reconnu coupable de banqueroute, notamment, s’il a employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure collective, s’il a tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables, s’il s’est abstenu de tenir toute comptabilité ou s’il a tenu une comptabilité incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales (C. com. art. L 654-2). Il s’expose alors à une peine de cinq ans de prison et à une amende de 75 000 € (C. com. art. L 654-3).

La condamnation pour banqueroute d’un dirigeant est subordonnée à la mise en redressement ou en liquidation judiciaire de la société. Et dans la mesure où l’ouverture de telles procédures suppose la constatation de l’état de cessation des paiements de la société (C. com. art. L 631-1 pour le redressement et art. L 640-1 pour la liquidation), la cessation des paiements elle-même est, en conséquence, une condition préalable à l’exercice de poursuites du chef de banqueroute.

La date de cessation des paiements est en principe fixée par le jugement ouvrant la procédure collective ou par un jugement de report. Toutefois, le juge pénal a le pouvoir de retenir une autre date de cessation des paiements (Cass. crim. 18-11-1991 n° 90-83.775 et 91-81.646 : RJDA 3/92 n° 294).

Cette date est déterminante en présence de détournements d’actif : si les détournements sont postérieurs à la date de cessation des paiements, ils constituent le délit de banqueroute (Cass. crim. 27-10-1999 n° 98-85.651 D : RJDA 3/00 n° 284) ; s’ils sont antérieurs, ils ne peuvent être qualifiés, le cas échéant, que d’abus de biens sociaux (Cass. crim. 19-11-2008 n° 08-82.013 F-D : RJDA 5/09 n° 463).

Pour les autres cas de banqueroute, en revanche, notamment l’emploi de moyens ruineux ou les irrégularités comptables, la Cour de cassation rappelle dans l’arrêt commenté que la date de cessation des paiements retenue est indifférente, dès lors que le dirigeant peut être condamné pour des agissements qu’il a commis avant ou après cette date (Cass. crim. 21-9-1994 n° 93-85.511 : JCP E 1995 II n° 690 note Dekeuwer, condamnation pour emploi de moyens ruineux antérieurs à la date de cessation des paiements ; Cass. crim. 14-11-2013 n° 12-85.616 F-D : Dr. sociétés 2014 n° 18 obs. Salomon, condamnation pour des irrégularités comptables antérieures à cette date).

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 91980

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Cass. crim. 25-11-2020 n° 19-85.205 F-PBI