Des époux achètent sur plan un appartement comportant la jouissance privative de deux jardins. En raison de la défaillance du vendeur, les travaux d’achèvement sont financés par la société garante. Mais les travaux s’avèrent insuffisants ; le talus situé en fond de parcelle s’effondre à trois reprises, rendant l’accès au jardin impossible. Les acheteurs assignent alors le syndicat des copropriétaires et le garant, ce dernier réclamant reconventionnellement le paiement du solde du prix.

La cinquième chambre de la cour d’appel de Paris estime que l’immeuble est inachevé dès lors que les travaux d’aménagement empêchent l’accès aux jardins et interdisent ainsi l’utilisation de l’intégralité des lots conformément à leur destination. Elle est censurée par la Cour de cassation pour avoir condamné les acheteurs à payer 95 % du prix alors qu’elle avait constaté l’inachèvement, le garant n’ayant de créance sur le prix de vente encore détenu par les acheteurs qu’après avoir exécuté et payé les ouvrages nécessaires à l’achèvement de l’immeuble au sens des dispositions de l’article R 261-1 du CCH (Cass. 3e civ. 15-9-2016 n° 15-21.772 FS-D : RDI 2016 p. 604 obs. O. Tournafond et J.-P. Tricoire).

Sur renvoi, la sixième chambre de la cour d’appel de Paris relève que les travaux de consolidation du talus ordonnés par le premier arrêt d’appel ont été votés par la copropriété puis exécutés. Ces travaux ont fait l’objet d’un procès-verbal de réception, signé notamment par un homme de l’art, maître d’œuvre. Partant de ces constatations et des rapports d’expertise précédemment établis, les juges considèrent que l’immeuble est achevé. Ils condamnent les acheteurs à payer le solde du prix de vente, avec intérêts conventionnels, déduction faite de la retenue de garantie de 5 %. Mais les acheteurs ne l’entendent pas ainsi. Ils reprochent aux juges d’avoir rejeté leur demande de désignation d’un expert judiciaire pour constater l’achèvement. De plus, les travaux entrepris ne seraient pas ceux ordonnés en justice, en raison d’une différence de coût avec les estimations de l’expert. Enfin, ni la procédure contractuelle de constatation de l’achèvement ni celle réglementaire de l’article R 261-24 du CCH n’auraient été respectées.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. La cour d’appel, qui n’a pas retenu que l’assemblée générale des copropriétaires avait modifié les travaux ordonnés par l’arrêt d’appel, n’était pas tenue de procéder à une recherche sur la différence entre l’évaluation du coût des travaux par l’expert et celui des travaux exécutés. Elle n’était pas plus tenue de vérifier si le constat d’achèvement respectait les exigences contractuelles, cette recherche n’étant pas demandée. Enfin, en cas de désaccord des parties, il appartient au juge du fond, saisi par le garant d’une demande en paiement du prix de vente représentant la fraction de 95 % du prix à l’achèvement de l’immeuble, d’apprécier si celui-ci est achevé au sens de l’article R 261-1 du CCH. Les motifs relatifs au respect de la procédure de constatation de l’achèvement prévue par l’article R 261-24 du CCH sont donc surabondants.

À noter : Dans une vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) relevant du secteur protégé, l’achèvement qui permet au vendeur de percevoir 95 % du prix (CCH art. R 261-14) s’entend tel que le définit l’article R 261-1 du CCH : « lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d’équipement qui sont indispensables à l’utilisation, conformément à sa destination, de l’immeuble faisant l’objet du contrat, à l’exception des travaux dont l’acquéreur se réserve l’exécution en application du II de l’article L 261-15 du CCH ». Or, dans les rapports entre acheteur et vendeur, les textes ne prévoient pas comment se constate cet achèvement. La seule réglementation prévue concerne le constat d’achèvement pour la libération du garant (CCH art. R 261-24). Pour pallier ce manque, le contrat peut contenir une clause prévoyant une procédure conventionnelle de constatation de l’achèvement de l’immeuble ; une telle clause n’est pas potestative et le vendeur doit alors mettre en œuvre la procédure prévue car à défaut, sa demande de paiement est irrecevable (Cass. 3e civ. 21-11-2012 n° 11-19.309 FS-PB : BPIM 1/13 inf. 46). Au cas particulier, les acheteurs reprochaient à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si le constat d’achèvement respectait les exigences contractuelles. En vain, les Hauts Magistrats estimant que cette recherche n’était pas demandée. Il faudrait alors comprendre que la procédure contractuelle d’achèvement ne s’impose que si l’une des parties réclame son application ; le juge n’est pas tenu de s’en saisir d’office (en ce sens, Dalloz Actualité 4-1-2021 obs. C. Dreveau). Les juges d’appel pouvaient donc constater eux-mêmes l’achèvement, indépendamment des clauses prévues au contrat (C. Dreveau, précité). Récemment, ce pouvoir d’appréciation du juge a déjà été souligné par la Cour de cassation. Ainsi jugé que, dans l’hypothèse où la procédure contractuelle prévoit, en cas de désaccord des parties, le recours à une personne qualifiée pour constater l’achèvement, il n’est pas fait obstacle à ce que le juge vérifie la conformité de l’avis de cette personne par rapport aux critères réglementaires de l’achèvement (Cass. 3e civ. 30-11-2017 n° 16-19.073 FS-PBI : BPIM 1/18 inf. 36, Constr.-urb. 2018 comm. 10 par D. Sizaire).

Florence GALL-KIESMANN

Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Urbanisme-Construction n° 78455

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Cass. 3e civ. 26-11-2020 n° 18-17.617 FS-PBI