Une société exerçant une activité de transport interurbain de voyageurs procède à une restructuration pour motif économique. Ayant recherché en vain des postes de reclassement disponibles au sein du groupe auquel elle appartient, elle licencie plusieurs salariés. Parmi eux, 8 conducteurs contestent la légitimité de ce licenciement : selon eux, l’employeur aurait manqué à son obligation de reclassement préalable. Le litige donne l’occasion à la Cour de cassation de rappeler, dans un arrêt publié sur son site internet, plusieurs principes régissant la recherche d’un poste de reclassement préalable au licenciement économique.

Une recherche personnalisée, mais pas individualisée

L’employeur appartenant à un groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assure la permutation de tout ou partie du personnel doit y rechercher des emplois disponibles pour le reclassement préalable au licenciement économique (C. trav. art. L 1233-4, al. 1), si ce reclassement n’a pas pu être opéré dans l’entreprise.

Cette recherche doit être suffisamment personnalisée pour être effective : à défaut, le licenciement peut être jugé sans cause réelle et sérieuse. C’est le cas, par exemple, si l’employeur se contente d’envoyer une lettre circulaire, sans précisions, aux sociétés du groupe (Cass. soc. 13-2-2008 n° 06-44.984 F-D ; Cass. soc. 23-3-2011 n° 09-71.599 F-D). La recherche est en revanche suffisamment personnalisée, selon la Cour de cassation, si cette lettre circulaire indique le nom des salariés, leur classification et la nature de l’emploi qu’ils occupent (Cass. soc. 22-10-2014 n° 13-20.403 FS-PB : RJS 1/15 n° 13).

En l’espèce, 4 des salariés licenciés reprochaient à l’employeur de s’être contenté, dans les lettres de recherche de reclassement adressées aux sociétés du groupe, de lister les postes de travail supprimés au sein de l’entreprise, en indiquant leur intitulé et leur classification. La cour d’appel saisie du litige leur avait donné raison. Selon elle, l’employeur aurait dû, dans ces lettres, apporter des indications concrètes sur le profil des salariés occupant les postes supprimés, relatives notamment à leurs âge, formation, expérience, qualification et ancienneté. La cour en avait conclu que le licenciement des salariés était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation censure l’analyse des juges du fond pour violation de la loi : le Code du travail n’exigeant pas un tel degré de précision, les lettres de demande de recherche de postes adressées par l’employeur aux sociétés du groupe étaient, selon elle, valables. Elle confirme ainsi une décision récente, mais non publiée, ayant censuré un arrêt d’appel exigeant de l’employeur des précisions sur le parcours et l’expérience de chaque salarié, jugées excessives (Cass. soc. 1-7-2020 n° 18-24.608 F-D). 

A noter : La Cour de cassation a manifestement été sensible à l’argument développé par l’employeur, selon lequel l’obligation de reclassement n’incombait qu’à lui, et non aux autres sociétés du groupe (voir déjà en ce sens : (Cass. soc. 27-5-2009 n° 07-44.022 F-D ; Cass. soc. 13-1-2010 n° 08-15.676 FS-PB). L’employeur faisait valoir, à juste titre, qu’il ne pouvait pas reporter sur les entreprises du groupe la charge d’examiner la compatibilité des postes disponibles avec le profil des salariés dont le licenciement était envisagé.

Seuls les postes compatibles avec la qualification du salarié doivent être proposés

La Cour de cassation se penche également sur le type de poste susceptible d’être proposé au salarié dont le licenciement est envisagé.

L’article L 1233-4 du Code du travail dispose que le reclassement s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut et avec l’accord exprès du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure. Il dispose également que la légitimité du licenciement économique est subordonnée à la réalisation préalable par l’employeur de tous les efforts de formation et d’adaptation nécessaires à l’égard du salarié concerné.

La Cour de cassation en conclut :

  • – d’une part, que tous les postes compatibles avec la qualification du salarié et disponibles doivent lui être proposés : à défaut, le licenciement peut être jugé sans cause réelle et sérieuse (jurisprudence constante, notamment Cass. soc. 19-11-2008 n° 07-44.416 F-D : RJS 2/09 n° 158).
  • – d’autre part, que le reclassement peut s’étendre à un poste nécessitant une formation complémentaire du salarié, mais pas à celui imposant de lui délivrer une formation longue ou qualifiante (voir par exemple (Cass. soc. 3-4-2001 n° 99-42.188 FS-PB : RJS 6/01 n° 731 ; Cass. soc. 2-7-2014 n° 13-13.876 FS-PB : RJS 10/14 n° 672).

Ces deux principes sont appliqués en l’espèce. Des postes de conducteur nécessitant la détention d’un permis de conduire de type D étaient disponibles au sein d’une filiale du groupe. La cour d’appel, reprochant à l’employeur de n’avoir proposé ces postes à aucun des 8 salariés licenciés, avait jugé leur licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation approuve l’analyse des juges du fond pour 5 de ces salariés qui, étant titulaires du permis de conduire D, auraient dû se voir proposer ces postes en reclassement. En revanche, s’agissant des 3 autres salariés, qui n’étaient pas titulaires de ce permis, la cour d’appel aurait dû rechercher si les postes de conducteur étaient compatibles avec leur qualification avant de décider que l’employeur avait manqué à ses obligations.

Laurence MECHIN

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Cass. soc. 17-3-2021 n° 19-11.114 FS-PI