Un propriétaire bénéficie d’une servitude conventionnelle de passage qui débouche sur un chemin de desserte. Le voisin, propriétaire du fonds servant, est également propriétaire de la parcelle sur laquelle est situé le chemin. À l’occasion de l’aménagement de sa propriété, il déplace l’assiette du chemin sur d’autres parcelles lui appartenant afin de réaliser des travaux, de sorte que la servitude de passage n’a plus aucun débouché sur le chemin.

Le propriétaire du fonds dominant assigne le propriétaire du fonds servant afin de faire constater l’existence de sa servitude et d’obtenir la réalisation des travaux de nature à en permettre l’exercice.

Constatant l’extinction de la servitude de passage pour impossibilité d’usage, la cour d’appel rejette ces demandes. Motif : le changement de configuration des lieux, affectant non pas le fonds servant mais le chemin de desserte sur lequel débouchait le passage, a privé de toute finalité la charge que constituait cette servitude. Elle relève par ailleurs que ce changement résulte d’un fait accompli par le voisin non en sa qualité de propriétaire du fonds servant mais comme acquéreur de la parcelle supportant le chemin de desserte.

La Cour de cassation censure le raisonnement. Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut, « en quelque qualité que ce soit », rien faire qui tende à diminuer l’usage de la servitude ou le rendre plus incommode.

À noter : La Cour de cassation sanctionne le comportement du propriétaire du fonds servant et lui refuse le droit de se prévaloir de l’extinction de la servitude pour impossibilité d’usage dès lors qu’il est à l’origine du déplacement du chemin de desserte ayant provoqué cette impossibilité. Peu importe que le chemin de desserte se trouve sur une parcelle distincte de celle supportant la servitude de passage, dans la mesure où il est propriétaire de l’ensemble.

Cette solution peut être rapprochée d’une précédente affaire dans laquelle les juges du fond ont considéré que l’impossibilité d’usage d’une servitude de passage ne peut pas être opposée au propriétaire du fonds dominant dès lors que cette impossibilité est due au fait illicite du propriétaire du fonds servant (CA Versailles 13-1-1988 : RTD civ. 1990 p. 118 obs. F. Zenati).

Julie LABASSE

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Urbanisme-Construction n° 23155


Cass. 3e civ. 25-6-2020 n° 19-10.057 F-D