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Pourquoi un plan de relance ?

Un astronaute revenant d’une mission dans l’espace serait sans doute incrédule de voir à quel point l’économie mondiale s’est dégradée en seulement quelques mois. La crise est particulièrement dramatique dans les économies en développement. Au sein des économies avancées, la France figure parmi les pays les plus durement touchés en raison d’un confinement sévère au printemps et d’une spécialisation forte sur des secteurs très touchés (aéronautique, tourisme).

Le 28 août dernier, l’Insee a publié sa nouvelle estimation de la croissance au 2ème trimestre 2020 : –13,8 %, après –5,9 % au premier trimestre. La chute est brutale – bien pire qu’en 2009 (graphique 1).

 

Graphique 1. PIB en volume

 graphique 1

Source : Insee, Informations Rapides, 28 août 2020.

Cependant, la crise est d’une nature complètement différente de celle de 2009, et la réponse de politique économique elle aussi est différente.

La crise de 2009 fut clairement une crise de surendettement : surendettement des ménages modestes américains, des banques américaines et européennes, de certains Etats européens. La crise fut atténuée par des politiques macroéconomiques expansionnistes et par un engagement des Etats à ne pas ériger de barrières protectionnistes. Cependant, le désendettement est un processus lent, et par ailleurs les Européens ont retiré trop vite leur soutien macroéconomique, ce qui a prolongé les effets de la crise.

Après la crise de 2009, des efforts importants ont été déployés pour re-réguler le système financier et recapitaliser les banques. Ces dernières sont mieux armées aujourd’hui pour faire face à d’éventuels défauts de paiement de leurs clients. Par ailleurs, les Etats et les banques centrales ont déployé des moyens colossaux pour soutenir les entreprises et les ménages durant le confinement (voir ici pour le cas de la France). Ces efforts ont payé : le rebond de la consommation a été spectaculaire en France durant l’été (graphique 2), et les faillites d’entreprises ont jusqu’ici été contenues.

Graphique 2. Consommation mensuelle des ménages en biens

graphique 2

Source : Insee, 28 août 2020.

 Cependant, la reprise est inégale selon les secteurs et elle a ralenti en fin d’été. Avec la reprise des contaminations à l’automne, l’évolution de l’activité pour la fin de l’année reste incertaine. Par ailleurs, d’autres risques planent sur l’économie mondiale, notamment sur le commerce international.

Quel plan de relance ?

L’objectif du plan de relance français est de ramener le plus rapidement possible l’économie sur un sentier de croissance le plus proche possible de sa trajectoire d’avant-crise, représentée par la droite pointillée sur le graphique 3. Le court terme et le long terme sont liés dans la mesure où la crise de court terme produit des blessures qui peuvent s’avérer durables : les entreprises en difficulté du fait de la crise ne sont pas nécessairement les moins productives[1], le manque d’investissement à court terme nuit à la capacité de production à moyen terme, les travailleurs sans emploi peuvent subir un  phénomène de déqualification, etc[2].

Après avoir décroché en 2020, le PIB devrait rebondir en 2021. Toutefois, le rebond spontané a peu de chances de ramener l’activité sur la ligne pointillée, si l’on se fie aux expériences passées (voir par exemple la crise de 2009 sur le graphique 1). Par ailleurs, la reprise va être ralentie par les incertitudes persistantes sur le front sanitaire et en matière d’emploi. Certains secteurs restent contraints voire fermés ; le taux d’épargne des ménages, qui a bondi durant le confinement, pourrait rester à un niveau plus élevé qu’avant-crise du fait de comportements de précaution ; et les entreprises auront du mal à y voir suffisamment clair pour se lancer spontanément dans d’ambitieux programmes d’investissement. 

Graphique 3. Redresser l’activité : un enjeu de court terme et de long terme

 graphique 3

 Source : DG Trésor

C’est dans ce contexte qu’intervient le plan de relance dévoilé le 3 septembre. L’idée est de s’attaquer à la crise économique à la racine – dans le compte de résultat des entreprises – afin que celles-ci conservent leurs effectifs, embauchent des jeunes, investissent et se modernisent. Avant la crise, le Conseil National de Productivité pointait les faiblesses du système productif français : inadéquation des compétences, retard sur le numérique, rendement insuffisant de la recherche et développement, lourds impôts de production[3]. Ces faiblesses n’ont pas disparu avec la crise. Il faut donc profiter du plan de relance pour les corriger, tout en aidant les entreprises à transformer leur modèle de croissance pour le rendre compatible avec la transition énergétique, sans sacrifier leur compétitivité. C’est ainsi qu’on pourra non seulement accentuer le rebond de l’économie en 2021, mais aussi relever durablement le niveau du PIB et – pourquoi pas – son taux de croissance.

 


[1] Voir Mattia Guerini, Lionel Nesta, Xavier Ragot et Stefano Schiavo, « Dynamique des défaillances d’entreprises en France et crise de la Covid-19 », OFCE Policy Brief n°73, juin 2020.

[2] Voir Valerie Cerra, Antonio Fatás et Sweta Saxena (2020), « Hysteresis and the business cycle », CEPR Discussion Paper 14531, mars.

[3] Conseil National de Productivité, Premier Rapport, juillet 2019.