Ne peut pas être enregistré comme marque un signe qui ne présente pas un caractère distinctif c’est-à-dire qui ne permet pas d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises ; le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (CJUE 13-9-2018 aff. 26/17).

En l’espèce, une société allemande demande l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne d’un signe figuratif composé du mot « achtung »  entièrement en minuscule suivi d’un point d’exclamation, pour des produits tels que des logiciels, des articles de papeterie et des services de gestion des communications (notamment, élaboration de concepts commerciaux pour la communication sur les entreprises et produits, des services de développement de concepts publicitaires multimédias, de relations publiques). 

L’enregistrement est refusé par l’EUIPO, faute pour le signe de présenter un caractère distinctif, et le recours formé contre cette décision est rejeté par les premiers juges.

La CJUE leur donne raison, aux motifs suivants : dans le dictionnaire de référence pour la langue allemande, le terme « achtung » est défini, notamment, comme étant «  l’appel ou inscription pour mettre en garde ou sensibiliser », ce terme étant utilisé dans la publicité pour attirer l’attention des consommateurs de manière à les convaincre d’acheter des produits et des services qui seraient dotés d’une qualité supérieure ou d’un prix avantageux ; il s’ensuit que les consommateurs ne percevraient pas d’emblée le terme « achtung » comme une indication de l’origine commerciale du produit ou service mais comme un mot accrocheur destiné à diriger leur attention vers les offres ainsi désignées ; la marque demandée est par ailleurs susceptible d’être utilisée par n’importe quel fournisseur afin d’inciter à l’achat de n’importe quels produits ou services, y compris ceux visés par la marque demandée, ce qui rend difficile pour le consommateur l’identification de l’origine commerciale des produits et services ainsi désignés. 

Une telle marque ne présente donc aucune originalité ou prégnance particulière et serait d’emblée perçue par le public pertinent comme un message publicitaire ordinaire, et non comme une indication de l’origine des produits. 

Sont ici sans influence à cet égard les arguments suivants, soulevés par le déposant  : 

– le fait que le terme « achtung » ait d’autres significations dans la langue allemande, notamment celle d’estime, d’appréciation ou de respect, dès lors que, dans son utilisation possible et la plus vraisemblable pour les produits et services en cause, le terme serait exclusivement perçu comme un message publicitaire élogieux ; 

– le fait que l’initiale du mot « achtung » dans le signe demandé soit en minuscule distinguerait ce signe du mot allemand « Achtung », commençant par une majuscule, dans la mesure où il s’agit d’une erreur d’orthographe courante dans la langue allemande qui ne peut pas être détectée à l’oral.

A noter :

Ne peuvent pas être protégés comme marque les signes qui n’ont pas de caractère distinctif (Règl. 2017/1001 du 14-6-2017 art. 7-1, b ; ex-règl. 207/2009 du 26-2-2009 art. 7-1, b pour les marques de l’Union européenne ; CPI art. L 711-2, 2°). 

Le caractère distinctif d’un signe doit être examiné en prenant en considération tous les faits et circonstances pertinents, y compris l’ensemble des modes d’usage probables de la marque demandée ; ces derniers correspondent, en l’absence d’autres indices, aux modes d’usage qui sont, au regard des habitudes du secteur économique concerné, susceptibles d’être significatifs en pratique (CJUE 12-9-2019 aff. 541/18).

Se prévalant de cette solution, le déposant soutenait notamment que le caractère distinctif du signe devait être apprécié par rapport aux différentes significations que peut revêtir le mot « achtung » en allemand, et ainsi aux différentes utilisations de ce signe qu’il pourrait en faire, et pas seulement au regard de l’utilisation la plus courante du signe comme message publicitaire. Selon lui, en l’absence de membre de langue maternelle allemande dans la formation de jugement, les premiers juges ne pouvaient pas statuer sur ce point sans ordonner une mesure d’instruction ou indiquer la manière dont ils auraient acquis une expérience pratique du secteur de la publicité en Allemagne.

Ces arguments sont écartés par la CJUE, qui estime que les premiers juges ont explicitement pris en compte les différentes significations du terme avant de juger que seule l’une d’entre elle était significative.

Maya VANDEVELDE

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 32460 s.

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CJUE 3-9-2020 aff. 214/19