Enrichir la comptabilité nationale d’indicateurs de soutenabilité environnementale est une question ancienne qui, à ce stade, n’a pas encore reçu de réponse opérationnelle partagée. Le point de blocage principal est la difficulté à traduire les atteintes à l’environnement dans des termes monétaires commensurables au PIB. Pour le cas particulier du climat, une autre approche possible revient à se fixer ex ante une cible tutélaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre à un horizon donné, puis à mesurer l’effort à fournir pour atteindre cette cible de manière équitable, sur la base de nos connaissances sur les coûts des techniques de décarbonation. L’effort ainsi défini se traduit par une dépense climat optimale, dépense au sens large pouvant être portée par l’ensemble des agents économiques (publics et privés).Nous appliquons ici cette méthode à la France, qui a fixé dans la loi une cible de neutralité carbone en 2050. D’après la modélisation retenue dans cette étude, atteindre cette cible nécessiterait, dans notre scénario central, de porter la dépense pour le climat à 4,5 % du PIB par an chaque année jusqu’en 2050, contre une dépense effective estimée à environ 1,9 % aujourd’hui. Une analyse de sensibilité suggère que cette dépense climat optimale peut varier entre 3,4 % et 6,9 % du PIB environ, selon les hypothèses d’efficacité énergétique retenues.Cette sensibilité aux hypothèses de modélisation ne place pas de tels chiffres sur le même plan que les grandeurs statistiques usuelles, directement issues de l’observation de l’état courant de l’économie. Ces chiffres n’en éclairent pas moins une réalité, celle d’un engagement pour le climat, dont l’ordre de grandeur en cumulé jusqu’à 2050 serait de 150 % du PIB annuel actuel dans notre hypothèse centrale, ou 85 % si on raisonne en écart à ce que donnerait le maintien du taux d’effort actuel. De ces chiffrages peut également découler une estimation du prix social du carbone dans la lignée des résultats de la commission Quinet en 2019, qui pourrait elle-même nourrir d’autres indicateurs : une valorisation monétaire des émissions passées ou un indicateur d’épargne nette ajustée du coût social des émissions de gaz à effet de serre.