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Lorsqu’on se trouve face à un nouveau problème, une méthode éprouvée est de se ramener à un problème connu. Quel sera le coût du reconfinement de novembre en termes de pertes de PIB ? Regardons ce qui s’est passé en avril et raisonnons à la marge.

L’étalon d’avril

Le premier confinement a duré 8 semaines entre mi-mars et mi-mai. Situé au milieu de cette période, le mois d’avril constitue une référence puisque tout le mois a été concerné, avec des règles invariantes au cours du mois. Il s’agissait à l’époque d’un confinement très strict. Les conséquences économiques ne se sont pas fait attendre : l’activité a plongé de 30% par rapport à l’avant-crise, avant de redresser rapidement pendant le déconfinement (graphique 1), comme l’a estimé l’Insee dans les points de conjoncture réguliers qu’il a publiés depuis l’annonce du confinement, puis dans les comptes nationaux trimestriels.

Graphique 1 – Scénario de PIB mensualisé

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Source : Insee, calculs DG Trésor.

Comme on pouvait s’y attendre, la chute de l’activité a été très inégale selon les secteurs en avril : très marquée dans la restauration, l’hébergement, le transport aérien, l’industrie automobile, la culture et les activités récréatives, la construction ; beaucoup moins dans l’agroalimentaire ou l’information et la communication (graphique 2). Ces différents secteurs ont un poids variable dans l’économie et la résultante fut un recul de l’activité de 30% par rapport à l’avant-crise.

Graphique 2 : pertes d’activité en % par secteur en avril 2020 par rapport à la normale

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Source : Insee

L’enquête Acemo-Covid de la Dares permet d’identifier 4 causes majeures de recul de l’activité en avril : les fermetures administratives, les pertes de débouchés, l’indisponibilité du personnel et, enfin, les difficultés d’approvisionnement. Ces difficultés ont joué de manière différenciée selon les secteurs. Ainsi, la restauration et le commerce de détail ont souffert principalement des fermetures administratives et des restrictions de déplacements, « tandis que leurs fournisseurs (comme le vin, le textile ou les services aux entreprises) ont perdu des débouchés. Le secteur de la construction a particulièrement souffert de difficultés d’approvisionnement (matériaux de construction et dispositifs de protection). Enfin, les services non marchands ont été contraints par l’absence de personnels obligés de rester chez eux pour des raisons sanitaires.

Projections sur le reconfinement

Le reconfinement annoncé le 28 octobre diffère de celui d’avril sur quatre aspects majeurs. Premièrement, l’ouverture des établissements d’enseignement devrait permettre aux parents de jeunes enfants de poursuivre leur activité sur site ou en télétravail. Deuxièmement, le télétravail est maintenant une pratique bien rôdée dans les entreprises, et les salariés sont équipés : selon Dingel et Neinman (2020) environ 37% des emplois sont « télétravaillables » en France. Troisièmement, les protocoles sanitaires sont eux aussi en place sur les sites de production, et le matériel de protection est disponible : l’activité devrait être préservée dans des secteurs tels que le BTP ou la production manufacturière. Enfin, les services publics resteront ouverts et les déplacements professionnels ne seront pas contraints.

Ces nouvelles conditions devraient atténuer l’impact de ce nouveau confinement par rapport à celui d’avril. Pour évaluer leur intensité secteur par secteur, les équipes de la DG Trésor ont épluché les résultats de l’enquête Acemo-Covid et appliqué un coefficient d’atténuation pour chaque contrainte. Ainsi, l’impact des fermetures administratives est supposé très proche de ce qui a été observé en avril pour les secteurs hébergement-restauration, commerce de détail et activités récréatives. A l’inverse, les contraintes de personnel et d’approvisionnement sont fortement allégées dans tous les secteurs, tandis que les pertes de débouchés sont toujours présentes mais un peu atténuées. Ces nouveaux coefficients de contrainte sont ensuite appliqués aux pertes d’activité observées en avril pour obtenir les pertes anticipées pour chaque secteur en novembre par rapport à une situation normale. Le résultat est résumé sur le graphique 3.

Graphique 3 : Comparaison des impacts du 2nd confinement (en ordonnées) et du premier confinement (en abscisses)

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Source : DG Trésor, à partir de données Insee et Dares.

Les secteurs situés sur la droite oblique sont ceux pour lesquels on s’attend à des pertes comparables en novembre par rapport à avril. Il peut s’agir de secteurs très affectés par les restrictions (hébergement-restauration) ou au contraire de secteurs peu affectés (agroalimentaire). Les secteurs situés au-dessus de la droite sont ceux qui devraient moins souffrir en novembre qu’en avril. On note en particulier le cas de la construction, dont l’activité avait chuté de 60% lors du premier confinement, et qui pourrait ne reculer « que » de 30% lors du deuxième confinement. Aucun secteur ne se situe sous la droite oblique, ce qui signifie qu’aucun secteur ne devrait être affecté davantage qu’en avril, même si l’hétérogénéité peut être forte à l’intérieur d’un secteur.

La dernière étape consiste à multiplier chaque perte d’activité attendue par la part du secteur correspondant dans le PIB. On additionne alors les contributions des secteurs pour obtenir l’impact agrégé du reconfinement sur l’activité durant chaque mois de restrictions. Il serait de l’ordre de −20% par rapport à un mois normal, contre −30% en avril.

Une année 2020 à −11%

Les chiffres de l’Insee pour les trois premiers trimestres indiquent un acquis de « croissance » de −8,3% pour l’année 2020 : si le 4ème trimestre était stable par rapport au 3ème, la croissance de l’année serait de −8,3%. Malheureusement, le reconfinement devrait déboucher sur un recul du PIB au 4ème trimestre par rapport au 3ème.

En octobre, l’économie évoluait environ 5% en-dessous de la normale. En novembre, la chute de 20% par rapport à la normale (due au reconfinement) revient donc à une baisse de 15% par rapport à octobre. Un mois de confinement suivi d’une période durant lesquelles des restrictions fortes continueraient de peser sur l’économie aboutiraient à une réduction d’environ 2,5 points de la croissance annuelle. La prévision de croissance pour l’année 2020 s’obtient finalement en additionnant l’acquis du 3ème trimestre (−8,3%) et la perte attendue au 4ème trimestre (−2,5%, octobre ayant été stable par rapport à septembre), donc environ −11% au total sur l’ensemble de l’année 2020 par rapport à 2019.

 

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