Aux termes de l’article 906, alinéa 2 du Code civil, pour être capable de recevoir par testament, il suffit d’être conçu à l’époque du décès du testateur. Selon l’article 911, alinéa 1 du même Code, toute libéralité au profit d’une personne morale frappée d’une incapacité de recevoir à titre gratuit est nulle.

Pour la Cour de cassation, il résulte de la combinaison de ces textes, dont le premier traduit le principe fondamental suivant lequel il ne peut exister de droits sans sujet de droits, que le legs fait à une association dépourvue de la capacité de recevoir une libéralité au jour du décès du disposant est nul.

En l’espèce, une personne décède après avoir institué comme légataire universelle la fondation Brigitte Bardot, à charge pour elle de distribuer la moitié de l’héritage à l’association le Refuge canin lotois de Cahors. La fondation a accepté le legs et le préfet de Paris a rendu une décision d’absence d’opposition.

Faisant valoir que l’association ne disposait pas de la capacité juridique pour recevoir le legs, la fondation l’a assignée pour voir dire réputée non écrite la clause du testament prévoyant une charge illicite. La confédération nationale des SPA France et des pays d’expression française (CNSPA) est intervenue volontairement à l’instance pour être autorisée à accepter le legs effectué au profit de l’association, à charge pour elle d’en affecter le montant à une action de cette dernière, conformément à la volonté de la testatrice.

La cour d’appel, après avoir constaté que l’association était inapte à recevoir le legs au jour du décès, a autorisé la CNSPA à l’accepter, à charge d’en affecter le montant à une action de l’association conformément à la volonté de la testatrice. Peu important, pour les juges du fond, que l’affiliation de l’association soit postérieure au décès, dès lors que la CNSPA disposait de la capacité requise à cette date.

Censure de la Cour de cassation : la cour d’appel, en se déterminant au regard de la capacité d’une personne morale à laquelle elle n’a pas reconnu la qualité de légataire, a violé les articles 906 et 911 du Code civil visés ci-dessus.

À noter : Seules certaines associations peuvent recevoir des libéralités autres que des dons manuels (Loi du 1-7-1901 art. 6 et 11 ; loi du 9-12-1905 art. 19 ; C. civ. loc. art. 21). Cependant, toute association peut, sans aucune autorisation spéciale, recevoir un don provenant d’un établissement public (Loi du 1-7-1901 art. 6, al. 1). En conséquence, l’appartenance à une union ou une fédération d’utilité publique permet à une association membre de bénéficier de dons ou de legs lorsqu’ils transitent par cette union ou cette fédération.

La Cour de cassation a donc, antérieurement, admis que, lorsqu’un legs est fait à une association incapable de la recevoir, la fédération d’utilité publique dont elle est membre peut le revendiquer à condition d’en affecter le montant à une action de cette association conformément à la volonté du testateur (Cass. 1e civ. 16-9-2010 no 09-68.221 F-D : BAF 6/10 inf. 196 ; Cass. 1e civ. 23-3-2011 no 09-70.186 F-D : BAF 3/11 inf. 97).

Les juges du fond ont même admis que peu importe que l’affiliation soit postérieure au décès dès lors que la capacité requise à cette date est celle de l’établissement public qui accepte le legs (CA Paris 7-12-2016 no 15/22361 : BAF 1/17 inf. 6).

Cette dernière solution nous paraît condamnée par l’arrêt du 14 avril 2021 de la première chambre civile de la Cour de cassation : un établissement d’utilité publique ne peut pas être autorisé à revendiquer un legs pour le compte d’une association dès lors que celle-ci s’est affiliée postérieurement au décès du testateur, faute que puisse lui être reconnue la qualité de légataire à la date à laquelle le legs produit ses effets.

En revanche, cette décision ne nous semble pas remettre en cause la possibilité pour un établissement d’utilité publique, auquel est affiliée, au jour du décès, une association inapte à recevoir la libéralité dont elle est gratifiée, de se voir reconnaître la qualité de légataire et d’accepter le legs, à charge pour lui d’en affecter le montant à une action de l’association.

En tout état de cause, on ne peut que recommander aux testateurs et à leurs conseils d’introduire ce mécanisme dans leurs dispositions testamentaires dès lors qu’ils entendent gratifier une association n’ayant pas la capacité requise.

Patrice MACQUERON, Professeur de Droit privé

Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémenton Associations n° 8430


Cass. 1e civ. 14-4-2021 no 19-19.306 FS-P